Altermodernités des Lumières, Paris, Seuil, 2022, 340 p.
Il est aujourd’hui courant d’enrôler les pensées du XVIIIe siècle dans une guerre des civilisations nous contraignant à des prises de positions binaires. Lumières ou Anti-Lumières, République ou communautarisme, laïcité ou fanatisme, modernes ou antimodernes : il faudrait choisir son camp.
Ce livre s’efforce de déjouer ces injonctions belliqueuses en esquissant un autre cadre de lecture et en explorant d’autres corpus. Il appelle à découvrir quelques-unes des voix mineures qui ont vivifié la littérature du XVIIIe siècle (Bordelon, Mouhy, Bibiena, Graffigny, Charrière ou Potocki), mais que notre canon littéraire a refoulées, parce qu’elles n’entraient pas dans ses dichotomies rassurantes. À travers des sylphides, des loups garous, des singes philosophes, des magiciens de la finance, des marchands-de-merde, des Péruviennes féministes ou des conspirateurs islamistes, ces voix excentrées, bizarres, queer, résonnent fortement avec nos préoccupations actuelles, dès lors qu’on les resitue dans la perspective d’altermodernités qui ont toujours déjà excédé l’affrontement éculé entre modernes et antimodernes.
Loin de toute nostalgie, se mettre à l’écoute des altermodernités des Lumières invite à reconnaître les présences parmi nous d’autres formes de religions, d’économies et de socialités – porteuses de modernités sans colonialité, de sujets sans maîtres et de communs sans souverains.
Faire avec. Conflits, coalitions, contagions, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2021, 140 p.
Nos milieux de vie, naturels et sociaux, subissent des pressions qui les menacent d’effondrement. Ces menaces croissantes sont vouées à exacerber les conflits dans les années à venir. Les politiques en place s’avèrent incapables de prévenir la terrible casse du siècle qui s’annonce.
En s’inspirant de certaines pensées émergentes, cet ouvrage esquisse trois pistes pour faire face à cette casse. D’abord des diplomaties d’interdépendances, qui nous apprennent à coexister avec (certains de) nos ennemis. Ensuite des tactiques de coalitions, qui nous invitent à valoriser les puissances des minorités dans la constitution de majorités. Enfin des sorcelleries de viralités, qui exorcisent les hostilités par les vertus des hospitalités, en favorisant la contagion sur la confrontation.
Pour que « chocs de civilisations » et culture wars ne dégénèrent pas en guerres civiles, faire face à la casse implique de mener de nouvelles batailles permaculturelles.
Nous voyons les banquises fondre, les espèces disparaître, les inégalités s’exacerber : tout nous annonce que nos modes de vie sont condamnés à un « effondrement » qui vient. Nous savons la nécessité d’une mutation vertigineuse, à laquelle nous ne parvenons pas à croire.
Comment sortir de cette hantise – sans nier sa réalité ni subir sa fascination ? En multipliant les perspectives qui dévoilent une pluralité d’effondrements déjà en cours, plutôt qu’un unique écroulement à venir. En questionnant ce « nous » de la collapsologie à partir de temporalités alternatives, d’attentions altérées, de points de vues excentrés et excentriques.
Écrit à quatre mains, ce livre s’adresse à toutes les générations collapsonautes – jeunes et moins jeunes – qui ont mieux à faire que se laisser méduser par la menace des catastrophes à venir. Désespérées mais pas pessimistes, elles s’ingénient à accueillir et cultiver des formes de vie qui échappent par le haut au capitalisme extractiviste. Condamnées à vivre avec, et à naviguer sur les effondrements en cours, elles génèrent d’ores et déjà des arts inédits du soulèvement et du montage – dont ce bref essai encourage à hisser les voiles.
Contre-courants politiques, Paris, Fayard, 2018
« La gauche », « la droite », ça n’existe plus – dit-on. Il n’y aurait que des innovations en marche, et des réformes imposées au pas de course. Mais dans quelle direction ? Selon quels principes d’orientation ?
Ce petit livre espère nous réorienter à partir d’un angle peu usité dans nos débats politiques : celui de la sensibilité littéraire. À l’ineptie médiatique des petites phrases, il oppose les vertus poétiques et politiques des nouveaux mots. Une vingtaine de termes insolites sont proposés pour représenter les tensions sous-jacentes à nos problèmes contemporains. Organisée en polarités, cette panoplie espiègle de nouveaux -ismes décline et reconfigure la grande opposition droite-gauche sans pour autant l’abolir.
Davantage que fonder un nouveau parti, il s’agit d’identifier de nouveaux courants, inséparables de leurs contre-courants. Plutôt qu’à choisir un camp, la littérature aide à saisir des tensions, qui nous traversent tous et toutes. Au lieu d’appeler à la guerre, elle invite au sourire – nos problèmes étant bien trop graves pour être abandonnés à l’esprit de sérieux ou de faction.
Mediarchy, Cambridge, Polity, 2019
We think that we live in democracies: in fact, we live in mediarchies. Our political regimes are based less on nations or citizens than on audiences shaped by the media. We assume that our social and political destinies are shaped by the will of the people without realizing that ‘the people’ are always produced, both as individuals and as aggregates, by the media: we are all embedded in mediated publics, ‘intra-structured’ by the apparatuses of communication that govern our interactions.
In this major book, Yves Citton maps out the new regime of experience, media and power that he designates by the term ‘mediarchy’. To understand mediarchy, we need to look both at the effects that the media have on us and also at the new forms of being and experience that they induce in us. We can never entirely escape from the effects of the mediarchies that operate through us but by becoming more aware of their conditioning, we can develop the new forms of political analysis and practice which are essential if we are to rise to the unprecedented challenges of our time.
This comprehensive and far-reaching book will be essential reading for students and scholars in media and communications, politics and sociology, and it will be of great interest to anyone concerned about the multiple and complex ways that the media – from newspapers and TV to social media and the internet – shape our social, political and personal lives today.
Médiarchie, Paris, Seuil, « La couleur des idées », 2017
Nous nous imaginons vivre dans des démocraties, alors que nous vivons dans des médiarchies. Car, plus que les peuples ou les individus, ce sont les publics formés par les médias qui sont les substrats de nos régimes politiques. Même lorsque nous dénonçons le « pouvoir des médias », nous n’entrevoyons qu’à peine à quel point ceux-ci conditionnent nos perceptions, nos pensées et nos actions, individuelles et collectives.
En reliant des courants de pensée étrangers à nos traditions critiques et universitaires, Yves Citton renouvelle considérablement notre boîte à outils conceptuelle et s’applique tournevis en main à recadrer nos débats. De l’écoféminisme à la sociologie des réseaux, des algorithmes de l’apprentissage profond à l’archéologie des infrastructures, de la démonologie au design d’ingénierie, du médiactivisme au médiartivisme, le parcours proposé élargit notre horizon théorique et notre imaginaire politique en explorant d’autres manières de penser les « médias ». Nous ne saurions échapper aux conditionnements opérés sur nous, entre nous, à travers nous et en nous par nos médiarchies. Ce livre espère toutefois nous aider à mieux percevoir ces conditionnements, à mieux les concevoir – et à moins les subir.
The Ecology of Attention, Cambridge : Polity Press, 2016, translated by Barnaby Norman
Information overload, the shallows, weapons of mass distraction, the googlization of minds: countless commentators condemn the flood of images and information, from television to video games and the internet, that dooms us to a pathological attention deficit.
In this new book, cultural theorist Yves Citton cuts through the tide of these standard laments to offer a new perspective on the problem of attention in the digital age. Phrases like ‘paying attention’ or ‘investing one’s attention’ attest to our mistaken belief that attention can be conceptualized in narrow economic terms. We are constantly drawn towards attempts to quantify and commodify attention, even down to counting the number of likes a picture receives on Facebook or a video on YouTube. By contrast, Citton argues that we should conceptualise attention as a kind of ecology. We must see that the many different environments to which we are exposed – from advertising to literature, search engines to performance art – conditions our attention in different ways. We also need to be aware of how the ways that we manage and direct our attention not only affect us on an individual level, but also deeply shape our relations with others.
In a world where the demands on our attention are ever-increasing, this timely and original book will be of great interest to students and scholars in media and communications and in literary and cultural studies, and to anyone concerned about the long-term consequences of the profusion of images and digital content in the age of the internet. (The book can be ordered from http://politybooks.com/bookdetail/?isbn=9781509503728)
Pour une écologie de l’attention, Paris, Seuil, « La couleur des idées », 2014
Économie de l’attention, incapacité de se concentrer, armes de distraction massive, googlisation des esprits : d’innombrables publications dénoncent le déferlement d’images et d’informations qui, de la télévision à Internet en passant par les jeux vidéo, condamnerait notre jeunesse à un déficit attentionnel pathologique. Cet essai propose une vision d’ensemble de ces questions qui prend à contre-pied les lamentations courantes. Oui, la sur-sollicitation de notre attention est un problème à mettre au cœur de nos analyses économiques, de nos réformes pédagogiques, de nos réflexions éthiques et de nos luttes politiques. Mais, non, l’avènement du numérique ne nous condamne pas à une dissipation abrutissante. Comment rediriger notre attention ? À quoi en accorder ? Faut-il que chacun apprenne à « gérer » ses ressources attentionnelles pour être plus « compétitif » – ou faut-il plutôt nous rendre mieux attentifs les uns aux autres ainsi qu’aux défis environnementaux (climatiques et sociaux) qui menacent notre milieu existentiel ? Ce livre défend la seconde voie. Il pose les fondements d’une écologie de l’attention comme alternative à une suroccupation qui nous écrase. Il espère que vous trouverez le temps de le lire…
Pour une interprétation littéraire des controverses scientifiques, Versailles, Éditions Quae, collection « Sciences en Questions », 2013, 171 p.
Comment les scientifiques peuvent-ils participer aux controverses dont font l’objet certains développements techniques ? En injectant une sensibilité littéraire dans cette participation. Telle est la thèse de cet ouvrage. Au travers d’illustrations telles qu’un poème d’Henri Michaux ou une déclaration de faucheur volontaire d’OGM, Yves Citton examine comment les scientifiques peuvent participer aux débats publics et civils et contribuer à sortir de la confrontation des disciplines, des domaines et des opinions.
Gestes d’humanités. Anthropologie sauvage de nos expériences esthétiques Paris, Armand Colin « Le temps des idées », 2012, 224 p.
Nos gestes en savent et en font plus que nous. Parce qu’ils se situent à l’interface entre nous et les autres, ils font émerger – à travers nous – des processus constituants qui dépassent nos intentions et notre rationalité conscientes. Parce qu’ils sont visibles à autrui, ils insèrent leur mouvement dans une dynamique collective qui déjoue les illusions de notre souveraineté individualiste. Parce qu’ils peuvent investir cette visibilité de la force de transformation propre à la feintise, ils ouvrent des perspectives capables de repousser les limites de la réalité.
Au carrefour d’une anthropologie « sauvage » et d’une archéologie des médias, cet essai envisage nos expériences esthétiques en termes de gestualités affectives, immersives, critiques, créatives et finalement mystiques. Il caractérise notre époque historique par une tension conflictuelle entre les programmations déshumanisantes qui la pénètrent toujours plus intimement (à grands renforts de machines informatiques et bureaucratiques) et les inflexions gestuelles qui constituent le réceptacle de nos humanités. Si nous devenons nous-mêmes en apprenant à habiter gestuellement ce qui nous occupe, alors c’est de ces gestes d’humanités que dépendent à la fois l’avenir de nos cultures et la poursuite de notre humanisation.
Renverser l’insoutenable, Paris, Seuil, 2012, 215 p.
Dictature des marchés, politiques d’austérité, inégalités sociales, catastrophes environnementales, crises démocratiques : de toutes parts nous arrivent les signes de la fin d’un monde caractérisé par des pressions insoutenables. Yves Citton ébauche un nouveau vocabulaire politique pour renverser cet insoutenable à la fois environnemental, éthique, social, médiatique et psychique. À la croisée de multiples (in)disciplines, cet essai drôle et enlevé prend le contre-pied du misérabilisme ambiant en révélant que le renversement de l’insoutenable est déjà inscrit dans les dynamiques collectives de nos gestes les plus communs. Il esquisse une politique des gestes qui prend sa source entre ces deux questions : Comment faisons-nous pression sans le vouloir ? Comment faire pression en le voulant ?
Attentif au rôle de l’image et à la circulation des discours, Yves Citton livre ici les moyens de repenser notre place et notre action dans des processus sociaux dont la complexité nous dépasse. Il montre que l’on peut tirer parti des dispositifs médiatiques plutôt que de les subir et que, une fois fait le deuil du Grand Soir, l’urgence est de proposer des alternatives à la politique du pire.
Zazirocratie. Très curieuse introduction à la biopolitique et à la critique de la croissance, Paris, Editions Amsterdam, 2011, 380 p.
En 1761, Charles Tiphaigne de la Roche, obscur médecin normand, publie L’Empire des Zaziris sur les humains ou la Zazirocratie. Il ne se doute pas que, deux siècles et demi plus tard, son oeuvre serait lue comme une géniale radiographie des ambivalences de nos régimes biopolitiques : les Zaziris, ce sont tous les simulacres qui mobilisent nos désirs vers la Croissance de nos économies consuméristes ; la Zazirocratie, c’est un régime qui épuise nos vies à force de vouloir les enrichir. Ce livre propose une interprétation jubilatoire de cet auteur injustement oublié qui, dès 1760, avait » anticipé » la photographie, la télésurveillance globale, l’hyper-réalité, la digitalisation, les phéromones et les nanotubes. A travers un détour historique et littéraire, ce curieux voyage offre une introduction enjouée à l’analyse biopolitique des sociétés contemporaines. Il esquisse une vision du monde qui tient à la fois de la voyance et de la cartographie, pénétrant les logiques constitutives de notre monde de flux. Il fait surtout apparaître que notre imaginaire de la Croissance est hanté par un modèle végétal qui nous aveugle à la tâche primordiale de notre époque : non tant abattre l’idole de la Croissance que se donner les moyens de l’arraisonner et de la réorienter.
L’Avenir des Humanités. Économie de la connaissance ou culture de l’interprétation ? Paris, Éditions de La Découverte, 2010, 203 p.,
En parlant de « communication », de « société de l’information » ou d’« économie de la connaissance », on laisse souvent penser que le savoir se réduit à une masse de données segmentées, isolées, brevetables et commercialisables comme n’importe quelle marchandise.
Devant cette vision appauvrie et sclérosée, Yves Citton renverse la perspective et révise notre imaginaire du savoir. Il montre que les Humanités, souvent considérées comme poussiéreuses voire inutiles, cultivent une compétence incontournable, celle de l’interprétation. Très loin de la simple « lecture » automatisée d’informations computables, revêche à toute réduction économiste, l’interprétation est une activité qui demande à être cultivée par un soin très particulier. La dynamique propre à ce geste diffus dans toutes nos pratiques est faite de tâtonnements, d’errances et d’erreurs, de suspens, de sauts, de bifurcations, de rencontres – où l’intuition (esthétique) joue un rôle aussi important que la systématicité (scientifique).
Devant l’emballement de la course au profit, l’exacerbation des inégalités sociales et le mur écologique qui nous font face, affirme Yves Citton, une reconsidération des Humanités est indispensable pour quiconque se préoccupe de l’avenir de l’humanité.
Traduit en italien par Isabella Mattazzi : Future Umanità. Quale avvenire per gli studi umanistici ?, Palermo, Duepunti edizioni, 2012.
Quando parliamo di “comunicazione”, di “società dell’informazione” o di “economia della conoscenza” siamo spesso portati a credere che il sapere si riduca a un insieme di dati circoscritti, brevettabili, immediatamente spendibili nel mercato della nostra quotidianità.
Di fronte a questa visione estremamente riduttiva della conoscenza, Yves Citton propone invece una radicale revisione del concetto di sapere e delle sue diverse articolazioni. Le discipline umanistiche, spesso considerate “inutili” – fanalino di coda del sistema politico-educativo contemporaneo – sono l’unico luogo in cui sembra possibile sviluppare e mettere in gioco una competenza del tutto essenziale per la nostra società contemporanea: l’interpretazione. Radicalmente differente dalla semplice attività di “lettura”, il gesto interpretativo offre infatti una condizione privilegiata di incontro e sintesi tra intuizione (estetica) e sistematicità (scientifica), tra immediata evidenza del dato testuale e autonomia critica del soggetto. Ma soprattutto, il gesto interpretativo sembra essere l’unica attività capace oggi di promuovere l’emergere di nuove credenze emancipatrici, miti utili, nuove narrazioni condivise. Di fronte all’esasperazione della disuguaglianza sociale e al baratro ecologico che ossessionano la nostra società contemporanea, future umanità non è infatti, semplicemente un brillante saggio di teoria letteraria, ma il provocatorio appello a una riconsiderazione della Cultura umanistica come il più potente strumento di salvezza per l’avvenire stesso dell’umanità.
Mythocratie. Storytelling et imaginaire de gauche, Paris, Éditions Amsterdam, 2010, 221 p.
À en croire une histoire qui court, la démocratie aurait été corrompue par un mal insidieux, transformée en régime somnambulique par l’omniprésence d’histoires et de mythes, complaisamment véhiculés par des médias lénifiants. De « pouvoir du peuple », elle serait devenue règne de la fable : mythocratie. Pour sortir de la dénonciation impuissante, il faut renverser le problème. S’il est nécessaire d’analyser le « doux pouvoir » (softpower) qui conduit nos conduites dans les sociétés mass-médiatiques, il importe moins de condamner ses opérations que d’apprendre à en tirer des instruments d’émancipation. Au premier rang de ces instruments, il y a le mythe lui-même : c’est la puissance (émancipatrice) du récit – la mythocratie – qu’il nous faut comprendre et utiliser. Cela implique d’abord de se doter d’une théorie du (doux) pouvoir – dont deux chapitres de cet ouvrage esquissent les bases, inspirées de Spinoza, Tarde ou Foucault. Cela demande ensuite de défini rune dimension très particulière des pratiques humaines, un pouvoir de scénarisation à travers lequel nos récits et nos gestes conditionnent les comportements libres d’autrui en les inscrivant dans une trame narrative. Cela conduit enfin à se doter d’un imaginaire politique reformulé, qui définisse de nouvelles tâches, de nouveaux modes d’intervention et de nouveaux styles de parole.
Au carrefour de la philosophie politique, de l’anthropologie et de la théorie littéraire, ce livre mobilise une myriade de mythocrates, d’Eschyle à Wu Ming, en passant par Diderot ou Sun Ra. Il est écrit pour tous ceux qui, aujourd’hui, ressentent le besoin d’un grand virage à gauche – tout en sachant que « la gauche » reste plus que jamais à réinventer.
Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ?, Paris, Éditions Amsterdam, 2007, 364 p.
Pourquoi étudier aujourd’hui des textes littéraires rédigés il y plusieurs siècles ? Pour quoi faire ?
Ou, comme le demandait le candidat Sarkozy : pourquoi le contribuable devrait-il financer des études de Lettres ? Pourquoi faut-il dire qu’il n’y a pas d’interprétation fausse ? que ce sont les lecteurs qui font les textes ? qu’une oeuvre n’est pas un objet, mais un événement ? que la fiction fraie réellement les voies d’un autre monde possible ? que la littérature propose la gymnastique mentale la plus marketable à l’âge du capitalisme cognitif ? que le jazzman doit servir de modèle au professeur des universités ? que l’interprétation littéraire est le meilleur moyen de récuser les fondements cachés du sarkozysme ?
C’est à de telles questions que s’efforce de répondre ce livre qui se présente à la fois comme une intervention politique, comme un appel à une rénovation des études littéraires (fondé sur la théorisation serrée de ce qu’une lecture actualisante des textes du passé peut apporter dans le monde d’aujourd’hui) et comme un essai d’ontologie herméneutique (plaçant l’interprétation au coeur de la puissance constituante des existences humaines). À la suite d’un parcours argumentatif vigoureux, sa conclusion est que loin d’être condamnées à rester une discipline poussiéreuse, les études littéraires peuvent devenir le lieu d’une indiscipline exaltante, en plein centre des débats les plus brûlants de notre actualité.
L’envers de la liberté. L’invention d’un imaginaire spinoziste dans la France des Lumières, Paris, Éditions Amsterdam, 2006, 585 p. – Lauréat du Prix Rhône-Alpes du livre 2007 (catégorie Essais)
Qu’est-ce donc que cette liberté à laquelle nos sociétés modernes – » libérales » – font si souvent référence ? Que penser des » préférences » des électeurs et des consommateurs, dans un monde baigné de conditionnements publicitaires et médiatiques ? Ce livre invite à réévaluer de telles questions à partir d’un double décalage. Un décalage conceptuel, qui approche la liberté à partir de son envers : le déterminisme. Un décalage temporel, qui recadre les problématiques » libérales » dans le contexte de leur émergence historique à l’époque des Lumières. Pour définir les bases d’une liberté qui ne s’aveugle pas aux conditionnements naturels et sociaux, cet ouvrage propose d’explorer la tradition de pensée qui a été tenue pour l’ennemi le plus radical du libre arbitre, le spinozisme, tel qu’il s’est développé en France entre 1670 et 1790. Cette vision émergente du monde est présentée dans sa dimension imaginaire, avec des outils littéraires et sur une base volontairement indisciplinaire. Le tout avec pour ambition d’instaurer un dialogue permanent entre les textes d’hier et les problèmes d’aujourd’hui. Quinze brefs chapitres proposent une reconstruction méthodique de l’ensemble du système spinoziste, depuis ses fondements métaphysiques jusqu’à ses conséquences esthétiques, en passant par ses implications épistémologiques, psychologiques, éthiques et politiques – le livre constituant une introduction très accessible à la pensée de Spinoza, traduite de son latin géométrique dans le beau français des salons.
Portrait de l’économiste en physiocrate. Critique littéraire de l’économie politique, Paris, L’Harmattan, 2001, 348 p.
Deux dialogues traversent l’ouvrage. d’une part, on confronte la construction théorique ébauchée par les physiocrates aux critiques suscitées dès l’époque par les tendances » despotiques » de leur méthode. D’autre part, on relit les querelles du XVIIIè siècle à la lumière des débats qui font actuellement rage autour » du marché « , de la » pensée unique » et de la mondialisation. L’originalité de l’approche consiste à esquisser une critique littéraire de l’économie politique.
Impuissances. Défaillances masculines et pouvoir politique de Montaigne à Stendhal, Paris, Aubier, 1994, 418 p.
Comment analyser le sentiment d’impuissance politique, largement partagé dans le monde actuel, à la lumière des scènes littéraires de fiasco sexuel ? Après avoir analysé l’angoisse qui dicte la narration (chapitre 1) ainsi que l’explication (chapitre 2) des fiascos sexuels, on se concentre sur trois ensembles littéraires qui ont en commun de faire entrer la défaillance virile en résonance intime avec un sentiment de dépossession affectant la noblesse de l’époque, d’abord chez Montaigne (chap. 3), puis autour de Crébillon fils (chap. 4), et enfin autour de Stendhal (chap. 5).
En collaboration avec André Wyss, Les doctrines orthographiques du xvie siècle en France, Genève, Droz, 1989, 157 p.
Les auteurs analysent, non les diverses théories, suffisamment connues, mais l’enjeu du débat orthographique, au moment historique où celui-ci se met en place : que considère-t-on alors comme théorie ? dans quel but participe-t-on au débat d’idées ? au nom de quoi promeut-on une réforme dans la vie sociale ? Les réponses articulées au XVIe siècle à propos du débat orthographique ont de quoi intéresser tout seiziémiste, voire tout penseur.